L'École en ligne Volume 7 - Numéro 1 - Mars 2016

Images captées à partir de caméras corporelles Perception biaisée de la situation

Mars 2016

Les images produites par une caméra corporelle induisent un biais de perception laissant croire à une distance plus grande que réelle. C'est du moins l'une des conclusions à laquelle sont arrivés les chercheurs Annie Gendron, de l'École nationale de police du Québec, et Rémi Boivin, de l'Université de Montréal, à la suite de l'étude qu'ils ont menée sur l'impact de l'angle de caméra sur les perceptions face à une intervention policière.

Conséquemment, «si des caméras corporelles devaient être utilisées par des policiers afin de capter des images d'interventions policières, il serait important de sensibiliser les utilisateurs de ces images au biais de perception induits par les caméras corporelles de façon à ce qu'ils aient une représentation juste de l'intervention policière et, ultimement, qu'ils puissent déposer ces images comme preuves à la cour», fait observer Mme Gendron.

L'objectif de cette étude visait à comparer l'opinion quant à la légitimité d'une intervention policière avec emploi de la force à partir d'images vidéo captées sous deux angles différents, l'un par une caméra corporelle et l'autre par une caméra de surveillance.

Visionner le reportage sur cette étude

Expérimentation

Dans le cadre de cette étude, 231 membres de la communauté universitaire (employés ou étudiants), ainsi que 202 aspirants policiers en formation ont été invités à visionner une scène d’une durée de 30 secondes présentant une intervention policière fictive au cours de laquelle des policiers sont appelés à intervenir auprès d’un homme en crise muni d’un bâton de baseball.

Dès l'arrivée des policiers, l’homme devient très agressif et fonce vers eux, avec en main le bâton de baseball. Un des deux policiers fait feu en direction de l’homme qui tombe au sol, laissant supposer qu’il a été gravement ou mortellement blessé.

Deux versions parfaitement identiques de la scène ont été tournées, l'une captée à partir d’une caméra de surveillance placée dans le coin supérieur de la pièce où se déroule l’action et l’autre, à partir d'une caméra corporelle portée par le policier ayant fait feu. 

Résultats

Les résultats de l’étude révèlent que le point de vue de la scène n’influence pas l’opinion des répondants quant à la légitimité de l’intervention policière, autant chez les universitaires que chez les aspirants policiers.

Toutefois, chez les aspirants policiers, la perception de la distance entre le policier et l’homme menaçant est influencée significativement par le point de vue. Ceux qui ont visionné la scène captée par la caméra corporelle étaient plus nombreux à partager l’opinion que le policier a fait feu trop rapidement sur l’homme en crise. Ces mêmes aspirants policiers sont aussi généralement plus sévères dans le choix des conséquences disciplinaires que ceux ayant visionné la scène captée par la caméra de surveillance.  

Biais de perception

Cette différence laisse donc supposer que les images captées par la caméra corporelle induisent une perception de distance plus grande que réelle, notamment attribuable à l’effet de la lentille de type grand angle.  

La très grande majorité des caméras corporelles sur le marché permettent de capter un champ panoramique avec un angle de vue de 170 degrés, ce qui dépasse largement la capacité d’une vision humaine. L’image captée donne aussi une impression de profondeur qui n’existe pas dans la scène réelle, créant ainsi un biais de perception. 

En s’appuyant sur les résultats obtenus, il semble que les personnes ayant une bonne connaissance du travail policier, notamment en raison de leur formation quant aux principes reliés à l’emploi de la force, sont plus sensibles au biais de perception induit par la caméra corporelle. Cet effet n’a pas été détecté auprès des universitaires.

Pour en savoir plus

Cette étude sera présentée au colloque sur « Les enjeux et défis liés au port de caméras corporelles par les policiers du Québec Ce lien ouvre un site externe dans une nouvelle fenêtre.», qui se tiendra le 9 mai 2016 à l’Université du Québec à Montréal dans le cadre du Congrès annuel de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS).

Cette étude a été soumise pour publication dans une revue scientifique. D'ici là, il est possible de consulter le sommaire de l'étude dans l'onglet PublicationsCe lien ouvre un site externe dans une nouvelle fenêtre. de la section Recherche du site Web de l'École ainsi qu'au CISCe lien ouvre un site externe dans une nouvelle fenêtre..

Vous pouvez joindre les chercheurs de l’étude par courriel: Annie Gendron et Rémi Boivin

 

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