L'École en ligne Volume 12 - Numéro 1 - Février 2022

Étude sur les enquêtes indépendantesDes difficultés conjugales ou intrafamiliales, de la détresse ou une conduite suicidaire en cause

Février 2022

Des sujets en détresse, dont certains aux prises avec des difficultés conjugales ou intrafamiliales, armés, qui adoptent une conduite suicidaire ou qui agressent les policiers sont les caractéristiques les plus récurrentes des 193 interventions policières ayant mené à une enquête indépendante entre 2011 et 2015 au Québec.

Voilà des constats qui ressortent de l’étude Le travail policier lors des interventions ayant mené à une enquête indépendante – Cas 2011 à 2015, menée par la chercheuse Annie Gendron du Centre de recherche et de développement stratégique (CRDS) de l’École nationale de police du Québec (ENPQ). 

À noter qu’une première phase de ce projet s’est terminée en mars 2015. Elle comprenait l’analyse des événements policiers ayant mené à une enquête indépendante de 2006 à 2010 (Gendron et al., 2015). 

La chercheuse Annie Gendron résume les grandes lignes de l'étude

Caractéristiques de l’événement type

La majorité des policiers (81,3 %) qui sont intervenus lors de ces 193 événements de la phase 2 occupaient des fonctions de patrouilleur. À noter que lors de ces événements, la durée de l’intervention était relativement courte, soit 10 minutes ou moins pour la moitié d’entre eux, et ce, à partir du moment où les policiers arrivent sur les lieux jusqu’à ce que les soins d’urgence débutent. Notons qu’une telle durée d’intervention laisse peu d’opportunités aux policiers pour parvenir à désamorcer la crise.

Ces caractéristiques sont similaires à celles déjà observées lors de la première phase de l’étude (Gendron et al., 2015). 

Principaux résultats

Comme observé pour la première phase de l'étude, les 193 événements policiers de la phase 2 se distribuent selon cinq catégories de circonstances à l’intérieur desquelles de nombreuses situations d’interventions policières se déclinent :

  1. Tirs policiers en réaction à une menace de lésions graves ou mortelles;
  2. Suicides ou tentatives de suicide en présence policière lors de l’intervention ou pendant leur détention;
  3. Tentatives de fuite en véhicule routier ou à pied;
  4. Collisions qui surviennent pendant des tentatives de fuite, des déplacements policiers en conduite d’urgence ou encore de façon accidentelle;
  5. Malaises ou décès qui surviennent en présence policière, au cours de l’intervention ou dans une proximité temporelle suffisante pour justifier la tenue d’une enquête indépendante.

Comparaison des deux phases de l’étude

Au cours des 10 années qui ont fait l’objet d’étude, ce sont 336 événements qui ont été analysés.

Contexte de l’intervention policière

L’intervention auprès d’individus en crise ou aux prises avec des problèmes conjugaux ou intrafamiliaux

  • Environ le quart des sujets étaient en situation de difficultés conjugales ou intrafamiliales au moment des faits, ce qui est supérieur à ce qui avait été constaté dans les événements de 2006 à 2010 où cette moyenne atteignait 15 %;
  • En tenant compte uniquement des événements reliés à des comportements suicidaires, c’est plus d’un sujet sur trois (37,2 %) qui étaient en situation de difficultés conjugales ou intrafamiliales.

Suicides ou tentatives de suicide en présence policière

  • De 2011 à 2015, une progression du nombre d’événements impliquant un suicide ou une tentative de suicide est observée. Leur proportion (36,8 %) est nettement supérieure à celle observée dans les événements de 2006 à 2010, une augmentation des cas de suicide en présence policière est remarquée dans cette présente période, soit 21 %;
  • Parmi les événements qui se terminent pas une tentative de suicide, ou un suicide en présence policière, seulement 45,3 % des motifs d’intervention visaient initialement à porter assistance à un sujet suicidaire; les autres interventions avaient des motifs initiaux très variés qui ne laissaient pas nécessairement présager les intentions suicidaires des sujets impliqués;
  • La proportion des tentatives de suicide par policier interposé (SPI) dans les événements avec tirs policiers atteint 20,6 % dans les événements de 2011 à 2015, ce qui est légèrement inférieur à ce qui avait été noté dans la phase précédente (25,5 %). Sur une tendance de 10 ans, c’est donc minimalement 22,6 % des événements avec tirs policiers qui correspondent aux critères du SPI.

Tirs policiers en réaction à une menace de lésions corporelles graves ou mortelles

  • Le nombre d’événements avec tirs policiers s’établit en moyenne à 13,8 par année de 2011 à 2015, alors qu'il atteignait 9,6 événements par année de 2006 à 2010; 
  • Comparativement aux événements de 2006 à 2010, les plus récents comprennent une proportion plus importante de sujets munis d’armes à feu dont les armes longues alors que les cas de menaces ou d’agression envers des policiers ou d’autres civils sur les lieux au moyen d’armes blanches sont à la baisse. L’augmentation des personnes suicidaires impliquées dans les plus récents événements peut expliquer cette variation;
  • 36,6 % des tirs policiers atteignent les sujets visés alors que cette proportion était de 46,0 % dans les événements de 2006 à 2010;
  • En moyenne, 5,4 personnes sont décédées annuellement entre 2011 et 2015 après avoir été atteintes par des tirs policiers. Ce nombre atteignait 3,4 personnes par année de 2006 à 2010.

Poursuites policières en véhicule routier

  • Les événements impliquant des fuites ou des collisions routières sont moins nombreux en proportion que ce qui avait été observé durant la période de 2006 à 2010;
  • Une augmentation des situations où des sujets foncent en véhicule vers les policiers, ou tentent de fuir alors que les policiers sont accrochés au véhicule, est observée. Alors que cette proportion atteignait 5,6 % dans les événements de 2006 à 2010, elle atteint 13,1 % dans la plus récente période étudiée;
  • Parmi les événements reliés à des tentatives de fuite, 30,8 % des sujets avaient des antécédents suicidaires alors que cette proportion atteignait 8,6 % dans les événements de 2006 à 2010. Ceci est notamment explicable par les événements qui se terminent en collision-suicide, lesquels sont uniquement observés de 2011 à 2015.

Enrichissement de la formation

Les résultats de l’étude permettront de bonifier la formation policière principalement sur :

  • les aspects liés aux individus en crise atteints de troubles mentaux en contexte d'emploi de la force;
  • l'analyse de risques et la prise de décisions en contexte de temps compressé;
  • l’acquisition et le maintien de compétences en tir en augmentant les aspects écologiques de l’entraînement;
  • lors d'interventions à risque, une meilleure prise de conscience de l'impact potentiel de l'intervenant sur la personne en crise (ex. : uniforme, réactions de l'intervenant, mentalisation);
  • une meilleure compréhension des dynamiques intrafamiliales de plus en plus présentes lors des interventions étudiées ;
  • la formation des superviseurs de relève visant à soutenir la prise de décision de maintenir ou de cesser une poursuite policière en contexte simulé, et ce, basé sur le modèle provincial sur la conduite d’un véhicule de police;
  • l’exploration des techniques pour intervenir dans les situations à risque dans les situations à risque impliquant un fuyard ou une personne suicidaire au volant d’un véhicule.

Pour en savoir plus

Rapport complet - Gendron, A., Poulin, B. (2021). Le travail policier lors des interventions ayant mené à une enquête indépendante : cas 2011 à 2015. Rapport de recherche réalisé pour le ministère de la Sécurité publique du Québec. École nationale de police du Québec, 248 pages. 

Rapport de recherche et SommaireCe lien ouvre un site externe dans une nouvelle fenêtre.

Présentation PPT et sommaire schématisé de l’étude (napperon)Ce lien ouvre un site externe dans une nouvelle fenêtre.

 

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