L'École en ligne Volume 7 - Numéro 4 - Novembre 2016

Les policiers sont souvent confrontés à de tels événements Retourner au travail après avoir vécu un événement potentiellement traumatisant, oui ou non?

Novembre 2016

Josée Bergeron est psychologue au Centre d’évaluation des compétences et des aptitudes professionnelles (CECAP) de l’École nationale de police du Québec (ENPQ). Depuis près de 2 ans, elle offre de la formation aux intervenants en situation d'urgence sur la prévention des impacts psychologiques . 

Comme nous l’avons déjà mentionné dans un numéro précédent, des études révèlent qu’en seulement 3 ans de service, un policier sera confronté à davantage d'événements potentiellement traumatisants qu'un citoyen durant toute sa vie. 

L’École en ligne  Est-ce une bonne idée de cesser le travail après l’exposition à un événement stressant, bouleversant ou potentiellement traumatisant? 

Josée Bergeron Chaque fois qu'on me pose cette question, je réponds toujours : « Non » 

L’École en ligne  Pourtant, n’est-il pas nécessaire de laisser retomber un peu la poussière?

Josée Bergeron  Quand on tombe de cheval, la meilleure chose à faire est de remonter immédiatement en selle. Plus on attend avant de faire face à nouveau à la source de nos inquiétudes, plus il y a un risque que l’évitement et l’anticipation nourrissent notre anxiété.

L’École en ligne  Prendre du temps à la maison serait une forme d’évitement?

Josée Bergeron  Tout à fait. Cet évitement procure instantanément à l’intervenant une réduction de ses tensions. Or, le soulagement que procure cet évitement, en s’éloignant de ce qui le bouleverse, vient en quelque sorte confirmer à la personne son incapacité à faire face aux événements. Bref, l’évitement soulage l’angoisse et les malaises à court terme, mais les renforce à long terme. Et l’isolement amène davantage  les intervenants à ruminer leur intervention.

L’École en ligne  Demeurer au travail ne sous-entend-il pas qu’on va répéter notre histoire maintes et maintes fois, donc la revivre en quelque sorte?

Josée Bergeron  Les recherches en psychologie sont nombreuses à citer les bienfaits d’une stratégie qui vise à faire face plutôt que l’adoption d’une stratégie d’évitement à la suite d’une exposition à un événement stressant, bouleversant ou potentiellement traumatisant. 

Parmi les arguments énoncés, on retient que l’évitement nuit à la mise en place de stratégies d’adaptation chez l’intervenant exposé à un événement stressant, bouleversant ou potentiellement traumatisant. Quand développons-nous nos stratégies d’adaptation? Uniquement lorsque les exigences internes et externes excèdent nos capacités. Or, en se retirant, on ne peut remplir notre sac à dos d’outils efficaces pour les interventions à venir.

L’École en ligne  Et les collègues à qui il faudra répéter notre histoire?

Josée Bergeron  En fait, les pairs offrent un soutien important à la suite d’un événement tragique. Une personne qui retourne à la maison immédiatement après les faits s’isole de ses collègues et ne peut alors bénéficier de ce précieux facteur de protection. Et puis, le retour à la maison peut être interprété par l’intervenant que ses réactions sont anormales et conséquemment il peut éprouver par la suite de la difficulté à reprendre confiance en ses capacités.

L’École en ligne  On ne doit donc jamais retourner un intervenant à la maison? 

Josée Bergeron  Comme psychologue, je n’aime pas les termes toujours et jamais. Il existe bien sûr des zones grises et des cas d’exception. Mais entre retourner systématiquement un intervenant à la maison et le garder à tout prix au travail, il y a un juste milieu. L’aspect sécuritaire et l'aspect fonctionnel quant à la tâche à exécuter devraient être des éléments à considérer.

L’École en ligne  Cette décision de maintenir un intervenant au travail ou l’envoyer à la maison, n’est-ce pas un enjeu de taille  pour une organisation?

Josée Bergeron  Sur le plan organisationnel, il devient difficile de gérer la sélection des événements qui justifient un retour ou non à la maison. Outre le risque de confondre les événements bouleversants et stressants avec les événements potentiellement traumatisants, des conflits interpersonnels peuvent survenir. Par exemple, une organisation pourrait être confrontée à des questions comme : « Pourquoi lui a pu quitter après tel événement et moi je ne peux pas retourner à la maison à la suite de tel événement? Mon événement à moi est pourtant plus intense que le sien!»

L’École en ligne  Peut-on conclure que le retour à la maison est en quelque sorte un cadeau empoisonné?

Josée Bergeron  En effet, se faire offrir systématiquement de retourner à la maison à la suite d’un événement stressant, bouleversant ou potentiellement traumatisant ne devrait pas être perçu comme «un cadeau». Par contre, se voir offrir quelques minutes pour ventiler entre collègues dans le cadre d’un désamorçage, ça c’est un véritable «cadeau». 

Pour en savoir plus sur la question, contactez Josée Bergeron, M.A., psychologue, Centre d'évaluation des compétences et aptitudes professionnelles (CECAP), ENPQ, 819 293-8631, poste 6582.

Pour en savoir plus sur les formations de l'ENPQ sur la prévention des impacts psychologiques, cliquez sur ce lien

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